Bienvenue dans un monde de silence... ou presque. [PV Uziel]

Je pouvais sentir son doute. Sa peur, peut-être. Il allait se retrouver lâché dans le bain de l’inconnu. Je l’entrainerai à mes côtés s’il se laissait faire, et rien ne serait plus là pour le rattraper. Moi mise à part, évidemment. Lorsqu’il avait hésité, je l’avais donc observé avec un léger sourire en coin. Mes yeux s’étaient vaguement plissé pour tenter de comprendre la réflexion qui l’animait. S’il n’avait su se reprendre pour accepter ma proposition, se laissant entrainer par sa crainte, ses a priori et la persistance de sa fermeture, je n’aurais fait que l’inciter à venir avec plus de conviction encore. Jamais je ne le laisserai l’emporter à ce niveau. Je ne voulais pas le voir rester aussi loin de moi que du monde entier.
Quoiqu’il en soit, nous étions parti, et c’est tout ce qui comptais. Il m’avait suivi, ou peut-être était-ce le contraire. Mais nous avions prit le chemin vers le jardin public. Main dans la main, nous gagnions cet endroit respirant bon la joie de vivre. Le calme n’était pas forcément au rendez-vous, mais qu’importe. Certains endroits seraient certainement assez agréables pour nous accueillir. La tranquillité nous attirerait sûrement à elle un jour ou l’autre. Alors, si ce devait être maintenant, je n’en serais que plus heureuse, mais cela ne changerait rien. Tant que l’amour nous lierait, nous aurions tout le temps de nous amuser.


Mon regard complice glissait sur lui avec une lenteur infinie. Un sourire appréciateur venait s’y mêler. Je me mordais presque la lèvre et passais une main dans ma chevelure. Mon pouce caressait le dos de sa main et participait à l’ambiance générale de ces circonstances. Je n’avais plus qu’à marcher lentement, observant les réactions qu’il pouvait avoir et me délivrer. Ce n’est que quelques instants plus tard que je remarquais un coin un peu à l’écart du reste. Jamais nous ne serions véritablement à l’abri ici, puisque le chemin passait à une dizaine de mètres de cette petite étendue d’herbe fort charmante. Mais pourquoi ne pas en profiter ? Je la montrais délicatement du doigt avec cet éternel sourire et questionnait mon compagnon.

Tout cela m’amuse. Il n’est pas à son aise et, même si je ne le suis pas le plus du monde, c’est réjouissant pour moi. Je viens d’en apprendre un peu plus sur moi-même et sur la conception que j’ai de l’amour. Du moins, je sais ce que je veux vivre avec lui. Je ne veux rien de simple. Je ne veux rien d’ennuyer. Je veux une lutte de pouvoir constante. Un affrontement sans fin pour savoir qui sera le maître, qui sera le dominé, qui tiendra le plus longtemps. Et finalement, j’espère sincèrement que cette lutte durera des années et des années. Alors, il me faut répondre à sa question. Mes yeux plissés par la manière qu’il a de s’expliquer, je me lèche un instant les lèvres et roule un peu sur le côté, m’appuyant sur un bras pour me tenir non loin de son visage, la tête au-dessus de son torse.


Je souris. Ça, au moins, je sais le faire. Je sais aussi m’amuser et me détendre. Ce moment n’est pas le plus simple, avec tout ce qu’il y a autour, mais un peu de concentration suffit. Uziel a su se poser bien gentiment et calmement en ces lieux, alors pourquoi ne pas l’encourager un peu. Ma main vient se poser lentement sur sa joue pour la caresser. Puis elle descend dans son cou, glissant vers le col de son tee-shirt pour l’effleurer doucement. Sa peau est plus chaude que ce à quoi je m’attendais. Mes yeux glissent de mes actes à son regard. Je ne sais jamais comme il réagira. C’est cela qui est beau, également.

Oh, amusant, il rétorque. Ses mots semblent vouloir me mettre en peine. Dans tous les cas, ils cherchent à me blesser, me montrer mes limites, mon incompétence. Alors j’observe longuement celui qui est à l’origine de cela. Parce que si je suis là à devoir prouver ma valeur, ce n’est à cause de personne d’autre que lui. Le gamin de la cascade. Le dérangeur dérangé. Celui qui voudrait soumettre le monde à son mépris, presque. Il n’est pas n’importe qui, je le sais. Mais je ne peux pas le laisser l’emporter si aisément. Il va falloir que nous nous battions. Déjà, ce sentiment me fait me redresser, pour être à genoux devant lui, mais le surplombant cette fois de ma hauteur.


Ma main a saisi son poignet. Ainsi, il ne pourra plus jouer avec mes longues mèches obscures. Et j’attrape le second. À moins qu’il ne se débatte, j’ai le champ libre pour quelques instants. Alors c’est là que tout doit se jouer. Ecartant mes cheveux rebelles d’un mouvement de tête sur le côté, je descend sur le visage du jeune homme. Mes lèvres viennent délicatement se poser sur les siennes. Ce n’est qu’un baiser très léger, je l’effleure à peine. Parce que je compte bien reculer de quelques centimètres et lui sourire, comme à présent. Mes yeux dans les siens sont étonnamment proches.


Mes mots se mettent lentement en pause. Je passe une jambe au-dessus de lui, venant me mettre à cheval sur son ventre. L’idée n’est pas de l’écraser. Et je me doute des réactions que cela pourrait avoir de le toucher trop longuement sur le bas-ventre. Mais qu’importe. Je me repenche vers ses lèvres et souffle dessus.


Je me redresse. Peut-être est-ce fièrement. Quoi qu’il en soit, je le surplombe et le regarde de haut. Je suis posée sur ses hanches, au milieu de ce jardin rempli de monde. La sensation est saisissante. J’adore…

Charmant. Ses réactions, ses mots, tout cela est si magique… Je ne pensais pas parvenir à obtenir cela de lui. Alors qu’il est habituellement si distant, si difficile à saisir, je sens que nous sommes plus proches que jamais. Les baisers qu’il me volent, je les lui donnerais sans la moindre hésitation. Mais sans doute a-t-il raison, et je ne veux faire autrement. En nous effleurant, la tentation n’est-elle pas plus grande ? En nous provoquant comme cela, nous avons un caractère qui nous fera inévitablement nous attirer davantage, comme seuls deux aimants sont capables de le faire. Alors amant, aimant, quelle différence ?


Comment avons-nous fait pour en arriver là ? S’il y a un dieu ou une justice qui vienne de plus haut que l’humanité, tout ceci a du être prémédité. Je n’avais aucune raison de rencontrer un gamin comme lui. Et le fait qu’il devienne si doux et tendre me dépasse un peu. Mais c’est bien loin d’être désagréable. Alors mes mains se posent délicatement sur son torse, je m’y appuis sans forcer. Et c’est ainsi que je peux me pencher au-dessus de lui, venant atteindre la commissure de ses lèvres et les embrasser.


Et tout cela est dit avec le sourire. En m’avachissant toujours un peu plus sur sa personne, je m’écrase un peu sur lui. Ma poitrine gonflée par le désir d’être à ses côtés se collent à son torse. Il n’y a que ce tissu mesquin qui nous maintienne aussi loin l’un de l’autre. Alors je me mord la lèvre. Quelque chose m’échappe un peu. Peut-être est-ce un mouvement de bassin contre le sien. À moins que ce ne soit un souffle un peu plus fort. Mais je ne peux nier être bien à cet instant…

Que cherche t-il à exprimer ? N’est-ce pas simplement pour me pousser à me dévoiler un peu plus qu’il me questionne ? S’il me garde auprès de lui, j’imagine que c’est parce qu’il ne compte pas me lâcher, quoi que je fasse. Oui, je peux être aussi collante que ça. Ses remarques sont exactes, et je me dois de le lui préciser.


Je pose ma tête contre son épaule, comme il semblait le vouloir. Mes yeux se ferment un instant. Je rajoute alors.


Mon souffle est la seule chose qui m’anime, maintenant. Mon bras bouge peut-être un peu pour venir l’enlacer, passant autour de son cou. Mais ce n’est pas grand-chose, à bien y regarder. Je me colle un peu plus à lui, logeant ma tête dans son cou, le câlinant. Cela n’est pas près de finir, je le sais. Je ne le veux pas et ne le lâcherai que si le choix m’était imposé par lui. Je suis bien, là. Je pose un instant mes lèvres contre sa peau, je hume celle-ci, je souris encore. C’est un peu comme si une douce fatigue s’emparait de moi pour m’imposer une conduite à tenir. Un peu de calme et de tendresse pour contraster avec ce que je suis habituellement. Je vais bientôt me ressaisir, pourtant, je le sais. J’ai d’autres ambitions. Nous n’allons pas rester vautrés inlassablement. Ce qui ne finira pas, c’est simplement ce bonheur qui nous uni.


J’ai les yeux clos, le souffle lent, et j’apprécie. Comment pourrait-il en être autrement. Cet après-midi, il faudrait que le temps soit à nous. Puis nous ferons certainement autre chose. Oui, je veux faire autre chose. Je veux le connaître plus encore et le pousser à se dévoiler. Et là, il n’y aura pas cinquante solutions…

Je suis bien dans cette position, mais ça ne durera pas. J’en suis certaine. Je sens déjà les mouvements du jeune homme. Oh, bien sûr, il m’embrasse et je ne peux pas refuser cela. Je ne tente même pas de résister, aucunement, pas le moins du monde. Je me laisse aller, avec lui. Mais c’est pour me retrouver mise de côté finalement. Je fini dans l’herbe, agenouillée pour le regarder se lever, fumer, observer, me parler. Qu’attend t-il que je fasse ? Que vais-je bien pouvoir faire, maintenant ? Le regarder faire ? Un instant, oui. Je ne peux que l’admirer. Souriante, plus basse que lui, je contemple un moment ses mouvements. Je m’inspire de lui. Peu importe ses derniers mots et ce qu’il peut avoir à dire sur ses capacités économiques. Tout cela m’amuse. Que m’aurait-il offert dans le cas contraire ? J’aurais aimé voir cela. Rien que l’idée m’interpelle. Je prends le temps avant de me redresser et de venir vers lui. Mon sourire ne quitte plus mes lèvres, il s’étire légèrement pour venir s’amuser de ce qui se passe maintenant. Où aller, hein ? Je viens susurrer à son oreille, l’enlaçant de mes bras pour me serrer contre lui.


Je ne veux le lâcher, à cet instant. Du moins, pas avant d’avoir pu voir une réaction intéressante venant de lui. Je veux ressentir ses émotions. Peut-être sera-t-il choqué, troublé, enthousiasmé ou révulsé par de telles paroles. Ce n’est que pour le titiller un peu plus. Je ne prend cette réplique pour argent comptant. Ce n’est qu’un rôle à jouer, un amusement de plus à mettre à mon actif. Mais il en fera ce qu’il voudra. Qu’il veuille en faire une proposition sérieuse ou non, je suivrai. C’est là aussi que se trouve ma place, et peut-être ma force, si j’ose dire. Je ne crains rien. Je ne serais triste que de ne plus être avec lui. Tout ce qui le comporte dans mon horizon de possibilités est bienvenu.